C8 et NRJ 12 se voient retirer leur fréquence TNT par l’Arcom, la direction de Canal+ dénonce un «mépris pour le public»
L’Arcom a choisi les projets de nouvelles chaînes de Daniel Kretinsky et de Ouest France.
Une déflagration dans le paysage audiovisuel français. Ce mercredi matin en plénière, l’Arcom a acté le retrait de la fréquence TNT de C8 et de NRJ 12. Le régulateur des médias, à qui certains reprochaient son inaction, a donc opté pour la méthode forte. Sanctionnée à de multiples reprises, C8 n’a jamais tenu compte des sanctions infligées par l’Arcom et cumule plus de 7,6 millions d’euros d’amende en raison des sorties de route de son animateur vedette, Cyril Hanouna. Le gendarme de l’audiovisuel a sans doute voulu rappeler que ses obligations ne pouvaient pas être bafouées indéfiniment. Cnews, autre chaîne sous le giron de Vincent Bolloré, conserve de son côté sa fréquence TNT, malgré les nombreux rappels à l’ordre dont elle a fait l’objet.
Quant à NRJ 12, sans doute que les audiences basses et les nombreuses rediffusions, n’ont pas convaincu l’Arcom sur le critère de l’intérêt du public ni celui du pluralisme. Après avoir auditionné en juillet les représentants de 24 projets, les neuf membres du collège du régulateur de l’audiovisuel ont annoncé les candidats restés en lice pour l’attribution des canaux remis en jeu. Il a sélectionné pour remplacer C8 et NRJ 12, les dossiers de Daniel Kretinsky, et sa chaîne RéelsTV, ainsi que celui de Ouest France, avec OFTV. Dans son communiqué, l’Arcom affirme avoir pris sa décision en fonction de «l’intérêt de chaque projet pour le public au regard de l’impératif prioritaire de pluralisme des courants d’expression socio-culturels».
De nouvelles chaînes aux contours définis
Le secteur audiovisuel n’a pas tardé à se faire entendre. «Avec cette décision, l’Arcom tire les premières conséquences logiques des dérives des antennes contrôlées par Vincent Bolloré», a réagi le nouveau directeur général de RSF, Thibaut Bruttin. Le régulateur «a pris la mesure de ses responsabilités», considère-t-il. Chez le groupe Canal+, la décision a du mal à passer. Son directeur général dénonce «une forme de mépris pour le public». «On marche sur la tête !», écrit-il dans un post sur le réseau X. «Comment peut-on comprendre cette décision inédite dans l’histoire de la TNT vis-à-vis d’une chaîne qui a participé de sa popularité ?» interroge-t-il.
Les deux projets retenus pour remplacer le canal 8 et le canal 12 de la TNT ont été présenté devant l’Arcom au début du mois de juillet. RéelsTV, le projet audiovisuel du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, propriétaire du groupe CMI France (Marianne, Elle, Télé 7 Jours, Franc-Tireur…) vise à « réconcilier les Français avec le réel », expliquait alors le président de CMI France et d’Editis, Denis Olivennes. Une chaîne généraliste en 3D, construite autour de documentaires, de débats, avec une émission quotidienne d’actualité de 19 heures à 21 heures, et de divertissement avec des émissions culturelles chaque soir. Le magnat des médias, également propriétaire de Casino et prêteur du journal Libération, expliquait devant l’Arcom «observer avec beaucoup de frustration la détérioration voire la destruction du débat public».
Le projet défendu par le groupe Sipa Ouest-France se veut lui aussi disruptif. OFTV sera une chaîne produite en Bretagne, à Rennes. «Une chaîne de la vraie vie et des vrais gens» destinée à mettre en lumière les territoires et principalement adressée «aux jeunes adultes de 25 à 49 ans qui vivent en dehors des centres-villes», exposait le président du directoire de Ouest-France, François-Xavier Lefranc, lors de son grand oral. Ses programmes en direct et en public s’articuleront autour de plusieurs piliers : un talk-show quotidien, un JT, des magazines, des documentaires, du cinéma et de la fiction. Le groupe Sipa Ouest-France, détenu et contrôlé par une association à but non lucratif, conservera le contrôle exclusif de la chaîne.
Au total, 24 projets étaient en lice pour 15 fréquences TNT arrivant à échéance en 2025. Le projet du site d’actualité indépendant et ancré à gauche Le Média fait partie des candidatures recalées par le régulateur de l’audiovisuel, tout comme le projet de chaîne télévisée du magazine hebdomadaire L’Express. «C’est dommage, injuste, que l’un des trois projets présenté par la presse ait été recalé» a ainsi réagi Alain Weill, son président, sur X. Pour C8 et NRJ 12, le retrait de leurs fréquences ne signe pas forcément l’arrêt total de leurs activités. De nombreuses possibilités de diffusion sont offertes par le web, les box et les télés connectées. Cyril Hanouna pourrait quant à lui exercer sur une autre chaîne ou un autre média.